Fin novembre 1942, sur les ordres du Général de Gaulle qui souhaite que la France soit présente sur le front Est et participe aux combats contre les Nazis, l’escadrille de chasse 3 « Normandie » part en Russie pour combattre aux côtés de l’Armée soviétique. Elle est composée de pilotes appartenant aux Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL), tous volontaires. Aux commandes d’avions de chasse russes Yakovlev Yak -1, 9 puis 3, ils participent à trois campagnes au cours desquelles ils réalisent des prouesses. Au point que Staline décide en juillet 1944 d’accoler le nom d’un fleuve russe où se sont déroulées de rudes batailles à celui de « Normandie » : le GC 3 s’appelle désormais « Normandie-Niemen ». Ces pilotes de guerre sont les premiers Français à entrer en territoire allemand.
A la date du 1er mars 1945 le Normandie-Niemen a accompli 3000 heures de vol de guerre, effectué 800 combats et obtenu 273 victoires confirmées : il s’agit du meilleur palmarès de l’Armée de l’Air française. Le coût de cet exploit est très lourd : 13 pilotes tués, 29 disparus, 6 blessés graves sur 96 engagés.
Depuis 2011, l’unité de chasse 2/30 « Normandie-Niemen » est basée à Mont-de-Marsan et vole sur Rafale.
Le 20 juin 1945 en début de soirée après une escale sur la base de Saint-Dizier, trente-sept avions de chasse Yakovlel Yak-3 à l’étoile rouge (petit chasseur en toile et duralumin, plutôt rustique mais très maniable, et très performants face aux redoutables chasseurs allemands) survolent les Champs Élysées, la Place de la Nation et l’Etoile en formation et se posent peu après à l’Aérodrome du Bourget, noir de monde. A la manœuvre, les pilotes de l’escadrille de chasse Normandie-Niemen effectuent un retour triomphal en France après de longs et difficiles mois de combats sur le front de l’Est et sont accueillis en héros par leurs compatriotes. Ils sont heureux de rentrer chez eux aux commandes de leurs « taxis » - ainsi que les surnomme Roger Sauvage - que Staline a décidé le 5 juin de leur laisser après avoir déclaré : « des combattants victorieux doivent s’en retourner avec leurs armes ».
Les festivités du retour ont déjà commencé depuis plusieurs jours ; la guerre terminée les pilotes français doivent rentrer. Le 15 juin, deux avions de transport Douglas DC-3 les ont ainsi reconduits à Elbing où ils ont pris possession de leurs appareils avec lesquels ils ont volé en direction de Poznan, puis de Prague avant de rejoindre Stuttgart où ils sont restés trois jours. Pause au cours de laquelle ils sont invités et reçus « comme des chefs d’Etat » - selon les propres mots de Roland de la Poype- chez le Général de Lattre de Tassigny. Ils reviennent en France avec trente de leurs mécaniciens soviétiques.
Ce 20 juin au Bourget l’accueil est tel que les pilotes en sont surpris. Dès la sortie de leur appareil, ils sont reçus en grande pompe par les autorités. Le colonel Soufflet représentant De Gaulle, le Ministre de l’Air Charles Tillon, l’Ambassadeur Bogomolov et le ministre des Affaires Étrangères Georges Bidault entre autres sont présents.
Mais les célébrations du retour ne s’arrêtent pas là pour dix-huit d’entre eux qui continuent le voyage vers la région lyonnaise.
Le colonel Delfino chef d’escadrille (crédité de 16 victoires), qui remplace le colonel Pouyade, souffrant, est présent. Le sous-lieutenant Roger Sauvage (16 victoires) est là lui aussi, ainsi que Jacques André (16 victoires) et le Capitaine Léon Cuffaut (13 victoires). Parmi les soviétiques, le chef des mécaniciens de l’aviation le Major Agavalian est parmi eux (il recevra la croix de guerre française).
Le 21 juin à 21h15, ils atterrissent à Bron à bord de deux Douglas DC-3 à l’étoile rouge (Les Yak-3 sont restés au Bourget) ; en tenue impeccable, ils arborent leurs décorations, nombreuses. M. Ledoux maire de Bron et une délégation du Parti Communiste sont présents ainsi que des aviateurs lyonnais. Le lendemain matin, c’est parti pour une série de visites et de réceptions : à l’Arsenal et aux ateliers de l’usine Gendron à Villeurbanne, puis à l’Exposition de la Soie où sont mis en avant le travail des Canuts et la mode parisienne. Ils sont ensuite reçus par Edouard Herriot à l’Hôtel de ville, accueillis là encore en héros au son des Hymnes nationaux et de la Musique de la subdivision militaire. Ils remontent la rue de la République entre la place des Terreaux et la place Bellecour, salués et acclamés par la foule, accompagnés par le Colonel Descours gouverneur militaire de Lyon et par le Colonel Seive commandant la IIe subdivision aérienne. Ils déjeunent également au Cercle interallié Place Bellecour et sont reçus à la Brasserie de l’Etoile par M. Cuissard délégué national de l’Association France-URSS, réceptions auxquelles assistent de nombreux officiers de la 14e Région.
Les aviateurs poursuivent leur tournée-marathon, encouragée par les autorités russes et françaises qui voient là un formidable élément de communication politique ; ils quittent Bron en milieu d’après-midi et prennent la direction de Monaco où dès le lendemain ils visiteront la Principauté et le Musée Océanographique.
Bibliographie et webographie :
« L’épopée du Normandie-Niemen », Roland de la Poype, 2011
« Un du Normandie-Niemen », Roger Sauvage, 1963
Film de l’arrivée du « Normandie-Niemen » au Bourget, 20 juin 1945 : https://www.ina.fr/video/AFE86003145
Sources : le Progrès, articles des 21, 22, 26, 27 et 28 juin.
Illustrations : photo Jf du Yak 3 du Bourget, photo article Le Progrès