Alors qu’une sonde a récemment atterrit sur Mars, n’oublions pas comment tout cela a été rendu possible !
Les exploits des fameux pilotes de l’Aéropostale des années 1920 - 1930 ont ouvert la voie au développement de l’aviation commerciale et militaire. C’est la grande époque des pionniers et des records aéronautiques ; parmi ceux-ci : en 1924 le Lieutenant Pelletier d’Oisy de l’Armée de l’Air française ouvre la route aérienne Paris – Tokyo ; treize ans plus tard, le raid Tokyo – Londres à bord du « Vent de Dieu » des aviateurs Japonais Ihinouma et Tsukakoski en avril 1937 est bouclé en 94 heures et 18 minutes ; l’aviateur américain Howard Hugues achève en juillet 1938 un périple de 25 000 km autour du monde à une vitesse moyenne de 275 Km/heure. Les traversées transatlantiques sont nombreuses et les liaisons commerciales Europe – Etats-Unis sont en plein développement. Dans une Europe qui se prépare à la guerre, le secteur militaire notamment en Allemagne va pleinement tirer profit de ces performances.
Au mois d’août 1938 un prototype long-courrier de Focke Wulf 200 « Condor » - le Fw 200 S-1 D-ACON baptisé « Brandenburg » - réalise l’exploit de voler sans escale entre Berlin et New-York en 24 heures et 56 minutes. A son bord un binôme civil et militaire : le Kapitän Alfred Henke pilote de la Lufthansa accompagné du co-pilote Hauptmann Rudolf Freiherr Von Moreau de la Luftwaffe. Ce quadrimoteur imaginé par le fameux concepteur et pilote Kurt Tank est destiné au transport de passagers et de fret et a été conçu à la demande de la Lufthansa qui souhaite remplacer le vieux trimoteur Junker 52 par un appareil plus performant et capable de concurrencer l’américain DC-3 ; l’avion commercial américain apprécié pour ses performances et son confort tient alors la vedette sur le marché européen.
Le 28 novembre 1938, Henke et Von Moreau s’installent aux commandes du même Focke Wulf 200 et tentent de réaliser un nouvel exploit sur longue distance. Comme pour le vol transatlantique ils sont assistés de Paul Dierberg, mécanicien et de Walter Köler, opérateur-radio et embarquent deux passagers : Monsieur Heinze, directeur de la firme Focke-Wulf et Monsieur Jung, consul d’Allemagne à Tokyo. Ils décollent de Berlin – Templehof à 15h57 et prennent cette fois la direction de l’Orient qu’ils espèrent relier en moins de 55 heures. Il est 14h12 (G.M.T.) le 30 novembre lorsque le Focke Wulf 200 atterrit à Tokyo sous les yeux admiratifs de plusieurs milliers de personnes. Certains évoquent le nombre de 10 000 ! Le Condor a effectué un raid de 14 278 kilomètres en seulement 46 heures et 15 minutes et trois escales, au cours desquelles il a ravitaillé à Bassora en Irak, à Karachi – dans les Indes Britanniques (actuel Pakistan) et à Hanoï - en Indochine (actuel Vietnam). Sa vitesse moyenne a été de près de 300 Km/heure. Le Figaro de l’époque salue la « magnifique performance que l’aviation allemande met à son actif ».
Après avoir marqué l’histoire de l’aéronautique le Fw 200 « Condor » D-ACON termine son épopée de façon bien malheureuse. Il redécolle de Tokyo le 6 décembre à 5h30 pour emprunter la voie de la K.L.M. hollandaise et rentrer en Europe par Manille, Batavia, Karachi, Bassora et Bagdad. Il n’atteint même pas sa première étape : ses moteurs stoppent subitement et il se crashe alors qu’il est en vue des côtes philippines. L’équipage rescapé est secouru par des pêcheurs. La cause de l’avarie est inconnue même si certaines rumeurs font état d’un acte de sabotage ce qui est rapidement démenti par les officiels japonais. L’Allemagne exprime des soupçons par la voix de Goëring qui diligente une enquête quant aux causes de l’accident. L’équipage sauf rentre à Berlin le 7 janvier 1939.
Quel usage du Focke Wulf 200 après 1938 ?
Pendant la Seconde Guerre mondiale le Fw 200 est modifié pour les besoins de la Luftwaffe. Il est en effet particulièrement bien adapté aux missions de patrouille maritime et de bombardement en haute mer. Vers la fin du conflit le Fw 200 perd en efficacité ; quelques appareils sont alors réservés pour assurer les déplacements de Hitler et de son État-major. Le projet d’une version présentant une plus grande envergure et équipée de moteurs en V d’une plus grande puissance baptisée Fw 300 ne verra pas le jour.
Sources
Journal le Figaro, disponible sur le site gallica.bnf.fr
Le Figaro, 29 novembre 1938, « Un avion allemand s’est envolé de Berlin pour Tokyo »
Le Figaro, 1er décembre 1938, « Le Condor a volé de Berlin à Tokyo »
Le Figaro, 6 décembre 1938, « Aviation »
Le Figaro, 7 décembre 1938, « Le Condor est tombé à la mer »
Le Figaro, 8 décembre 1938, « Aviation »
Le Figaro, 8 janvier 1939