À l'instar de Marguerite Petitjean, de Denise Lamirault, de Gilberte Champion et de Jaqueline Nearne, Nancy Wake est également l’une de ces femmes espionnes qui au gré d’une mission ont été envoyées dans notre région par les services secrets britanniques (SOE). Son nom n’est pas très connu mais elle est pourtant l’une des figures éminentes de la lutte contre l’occupant en France ; traquée par la Gestapo, lui échappant sans cesse, les hommes de la police secrète allemande finissent par la surnommer « la souris blanche ».
Qui est Nancy Wake ?
Son nom est assez populaire en Australie, son pays d’adoption, mais très peu en France où elle a pourtant beaucoup œuvré comme membre du réseau « Freelance » (SOE) durant l’Occupation.
Nancy Grace Augusta Wake est née à Wellington en Nouvelle-Zélande le 30 août 1912. Elle est la sixième et petite dernière d’un couple qui décide de venir s’établir en Australie où elle va passer son enfance. La petite Nancy n’est pas heureuse : son père journaliste abandonne sa famille et elle se sent pas aimée de sa mère. Alors qu’elle n’a que seize ans elle fugue et devient infirmière. Son caractère bien trempé et son goût pour l’aventure vont la mener à Londres où elle se forme au journalisme, comme son père. Elle a à peine vingt-deux-ans lorsqu’elle finit par s’installer à Paris au début des années 1930 ; elle est alors correspondante pour le groupe de presse américain Hearst Corporation. A cette époque elle croque la vie à pleine dent, profite pleinement de sa liberté et de la vie parisienne. Mais elle perd son insouciance lorsqu'elle est confrontée au nazisme qu'elle découvre en 1935. Cette année-là en effet, elle se rend à Vienne puis à Berlin pour les besoins de son travail. Elle réussit à décrocher une interview avec Hitler en personne, entrevue qui se déroule plutôt normalement. Elle assiste pourtant peu après à des scènes antisémites d’une extrême violence envers des commerçants berlinois en pleine rue. Elle ne peut bien sûr rien faire et en son for intérieur l’effroi est tel que son esprit reste marqué au fer rouge par ces images - c’est l’une des raisons de son entrée en résistance quelques années après. Elle revient en France où en 1936 elle rencontre son futur mari, un très riche dandy nommé Henri Fiocca. Mais leur idylle concrétisée par un mariage en 1939 est de courte durée, interrompue par la déclaration de guerre et la mobilisation de Henri. Nancy n’est pas le genre de femme à rester inactive ; âgée de vingt-sept ans elle s’engage au front comme ambulancière. Elle se trouve aux premières loges lorsque vient la débâcle et qu’elle doit évacuer des centaines d’hommes dans le nord près de Dunkerque. Le couperet tombe en juin 1940 et bien que la défaite soit proclamée, elle et son mari refusent de renoncer.
L’engagement dans la résistance
Dès ce moment ils font partie du réseau d’évasion Pat O’Leary dont les membres aident au rapatriement de militaires britanniques restés en France et de pilotes alliés dont les appareils se sont posés ou écrasés dans le nord du pays. Ils auraient aidé pas moins de mille personnes ! La jeune femme insaisissable est déjà bien connue de la Gestapo qui en 1943 lui attribue ce surnom « Die weisse Maus », « la souris blanche » et mise pas moins de cinq millions de francs sur sa tête. L’étau se resserre bientôt, la torture – ou la récompense promise ? - réussit à délier les langues : Nancy est dénoncée, arrêtée et prend une balle dans la jambe en essayant de fuir. Elle subit plusieurs jours d’un interrogatoire que l’on imagine horrible. Elle ne parle pas, ne donne même pas son nom si bien qu’elle est finalement relâchée dans un piteux état mais vivante. Ce qui n’est pas le cas de son mari qui arrêté également est torturé et exécuté, ce qu’elle n’apprendra qu’à la fin de la guerre.
La jeune femme s’enfuit par la voie pyrénéenne et parvient à Londres où elle est recrutée par le SOE. Comme tous les agents, elle suit un entraînement intense et spécifique dans les bâtiments de la Royal Air Force : tir, explosif, sabotage, espionnage, sauts en parachute constituent son enseignement quotidien. Et c’est ainsi qu’elle va se retrouver sur le sol français par une nuit d’avril 1944.
La mission dans l’Allier
La résistance est alors plutôt active dans l’Allier où les Francs-Tireurs-Partisans (FTP) notamment se sont organisés et œuvrent au sein de bataillons regroupés en maquis. La région est donc propice aux actions partisanes et c’est ainsi que de nombreux parachutages de matériel et d’agents y sont effectués. Dans la nuit du 29 au 30 avril 1944 au nord de Montluçon près de Cérilly, au lieudit les Chenus en plein centre de la France, deux agents tentent de se repérer à la lueur du clair de lune. Il s’agit du Major John Farmer alias Hubert et de Nancy Wake alias Hélène alias Witch (sorcière en français) qui ont été parachutés quelques minutes auparavant depuis deux bombardiers quadrimoteur américains B 24 appartenant au groupe des Carpetbaggers. Tous deux sont membres du réseau anglais "Freelance" affilié à la section F (française) du SOE et participent à la mission "Stationer 66". Parmi les hommes du comité de réception au sol se trouvent quelques membres du réseau "Stationer" également britannique et d’un groupe français local qui finissent par les trouver et les emmènent auprès de leurs contacts maquisards.
Le caractère fort de Nancy lui permet de s’imposer dans ce milieu plutôt masculin, malgré ses origines étrangères et le fait qu’elle soit une femme… Elle est chargée de créer des perturbations derrière les lignes allemandes avant et après le Débarquement du 6 juin et elle va s’y employer avec brio : plusieurs sabotages et opérations de guérilla font partie de ses œuvres.
Après la guerre
Elle est l’une des femmes les plus décorée de la seconde Guerre mondiale : Compagnon de l’ordre d’Australie, légion d’honneur au grade d’officier, médaille de la résistance, médaille du Roi Georges et Croix de guerre, médaille de la liberté entre autres distinctions. Elle passera le reste de sa vie entre l'Australie et l'Angleterre ; en 1949, incapable de s’accoutumer à la vie européenne de l’Après-guerre, elle retourne vivre en Australie où elle tente sa chance en politique. C’est un échec et elle revient finalement en Angleterre où elle épouse en 1957 un certain John Forward, officier de la RAF. Ils retournent vivre en Australie en 1959. Nancy décidément ne doit pas être faite pour la politique : elle échoue encore lors d’une troisième tentative d’élection. Elle jette l’éponge et le couple se retire alors à Port Maquarie, ville côtière du sud-est de l’Australie jusqu’à la mort de John en 1997. Elle revient quelques années après vivre à Londres jusqu’à sa mort le 7 août 2011 ; elle clôt ainsi le dernier chapitre de son extraordinaire vie. Elle repose depuis en France, preuve de l’importance qu’elle attachait à son engagement dans la défense de la liberté : en 2013 ses cendres ont en effet été dispersées en terres auvergnates, dans un bois près de Montluçon et du lieu où se trouvait son maquis. Une plaque commémorative près de la mairie de Verneix dans l’Allier lui est dédiée.
Sources et biographie
Nancy Wake a écrit un livre « La Gestapo m’appelait la souris blanche : une australienne au secours de la France », éditions Le Félin, 2001
Peter FitzSimons a écrit une biographie : « Nancy Wake, a biography of our greatest war heroine ».
Un téléfilm anglais de 1987 lui est dédié. Le film de 2001, « Charlotte Gray » de Gillian Armstrong avec Cate Blanchett est inspiré de sa vie.
Projet de film biographique de Nicole Kidman en 2011.
Plaque commémorative : https://www.lamontagne.fr/verneix/vie-pratique-consommation/2013/09/28/une-plaque-commemorative-pour-nancy-wake_1708686.html
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