Monsieur Fournier vaque à ses occupations lorsque tout à coup vers 9h30, il entend un vrombissement puis des bruits explosions. Il pense immédiatement à un avion en difficulté qui, volant à trop basse altitude, a percuté la montagne mais la mauvaise visibilité l’empêche de voir quoi que ce soit. Au même instant, un autre habitant qui travaille dans les bois tout près du lieu du crash et qui vient d’avoir la peur de sa vie, redescend au village en courant afin d’aller prévenir le maire de la commune. M. Fournier quant à lui se décide à joindre la gendarmerie par téléphone. À 10h environ le commandant de la brigade de Monsols (située à 12 km de Propières), charge ses hommes de partir effectuer des recherches. Lorsqu’ils arrivent sur place, ils ont la confirmation qu’un aéronef a bien percuté la montagne avant de prendre feu. Le brouillard matinal s’est levé et du côté du lieudit « la Roche d’Ajoux », en direction du sud et à environ 2,5 km de distance, on peut maintenant clairement distinguer un important nuage de fumée.
Sur place les gendarmes trouvent un avion bimoteur allemand terminant de se consumer. Dans les cendres ils parviennent à compter « 6 cadavres carbonisés et déchiquetés ». Les civils témoins de ces investigations parleront eux de 7 ou 8 morts. L’incendie est circonscrit et ne s’est heureusement pas propagé à travers le bois car le terrain est très humide. Les hommes de la brigade de Monsols observent que les arbres ont été coupés et incendiés sur environ 100 m2, attestant de la violence du choc. Ils décident par précaution de faire garder l’appareil car des cartouches « percutaient » encore dans les cendres. À 13h, ils font leur rapport au commandant de la section de Villefranche-sur-Saône, l’informant de la découverte de l’appareil. La machine administrative est en marche et les autorités occupantes sont prévenues de l’accident.
Leur réaction ne se fait pas attendre. À 18h, un détachement de troupes allemandes commandé par un officier arrive de Bron. Les gendarmes lui communiquent alors tous les renseignements recueillis sur les circonstances de l’accident. Les hommes ont la lourde charge de placer les corps abîmés des victimes dans des cercueils apportés par ce détachement avant de les transporter jusqu’au bourg sur des voitures à bœufs fournis par le maire. Quelques pièces n’ayant pas souffert sont retirées, puis le commandant allemand indique aux gendarmes que ce n’est pas la peine de faire garder les débris. Toute la scène se déroule sous les yeux de nombreux curieux des environs, y compris des enfants, venus « voir la guerre » de plus près. Le détachement allemand rentre à Bron le soir-même avec les corps des aviateurs. Inhumés dans un premier temps dans le carré allemand du cimetière de la Croix-Rousse, ils seront transférés après-guerre au cimetière allemand de Dagneux (Ain). L’avion accidenté est un LeO 451 T codé G6+DZ, du 15./TG 4 (TransportGeschwader 4). Combien de morts ?
Il y a au moins 4 personnels navigants morts : le pilote Uffz. Herbert BUSSE, le mécanicien Obgfr. Léo KAATZ, le mitrailleur Obgfr. Kurt KOKSCHT et le radio Fhr. Hebert MATZ. De plus, 3 militaires mécaniciens du 1./ F (121) (Fernaufklärungsgruppe 121) auraient été passagers à bord de cet appareil : Obgfr. Hans Joachim CLAUS, Uffz. Nicolaus KLOSE et Uffz. Anton SCHRALL.
L’hypothèse de la présence de ces trois mécaniciens permet de se rapprocher du nombre de corps comptés par les gendarmes et aperçus par les témoins de l’époque. Cette affirmation pose toutefois problème au regard de plusieurs documents d’archives : les archives allemandes indiquent que les trois mécaniciens sont bien morts le 3 juin, mais dans un accident de voiture. Pourquoi une telle cause a-t-elle été mentionnée ? Certains ont avancé que ces hommes n’auraient pas dû se trouver à bord. Ou bien serait-ce une simple erreur administrative ? En tout cas, le nombre de 7 victimes est confirmé par le rapport de gendarmerie du 17 juin (cf ci-dessous) avec un bémol cependant : « Il y a lieu de rappeler qu’un avion allemand s’est déjà abattu dans cette région le 3 juin 1944 à 9h30. Il y a eu également 7 victimes, 6 seulement ont été inhumées, la 7e est toujours sur les lieux de l’accident ». Or les sept noms énoncés ci-dessus sont tirés de la liste des archives des convois funéraires pour le 7 juin. Il faudrait peut-être n’en retenir que 6, le septième n’étant inhumé qu’après le 17 juin… Il y a également un huitième soldat allemand mort ce jour-là pour lequel aucune cause de décès n’est indiquée : Ogfr. Bernhard ZEMARK ; il est aussi enterré à Dagneux et son nom figure bien, avec celui des sept autres, dans les archives des convois funéraires de Lyon du 3 juin. Aurait-il pu être également à bord de l’avion ? Presque chaque jour de ce mois de juin 1944, des soldats de l’armée d’occupation meurent et leur nom figure dans les listes des convois funéraires, sans qu’aucune cause de décès ne soit énoncée. Difficile dans ces conditions d’être catégorique sur les noms des passagers du LéO de Propières ! Cet événement marque profondément et longuement la mémoire des habitants de Propières, d’autant plus qu’un second crash va se produire à moins de 5 km de là et seulement deux semaines plus tard…