La Guerre Tombée du CielAuvergne-Rhône-Alpes seconde Guerre mondiale

Un pont trop bas: la dernière mission de Robert Dudley Taylor 

Le 15 août 1944 les troupes franco américaines débarquent sur les plages de Provence. Les alliés ouvrent un second front en France et se préparent à une âpre bataille. Comme en Normandie une des clés du succès est de priver l’adversaire de ses sources d’approvisionnement. Au soir du jour J provençal des reconnaissances aériennes montrent un fort trafic logistique qui entre autre emprunte la voie ferrée Grenoble-Marseille.  Ainsi il est décidé de l’interrompre définitivement à un endroit qu’il sera très difficile de reconstruire : le viaduc ferroviaire au nord du col de Lus-La-Croix-Haute dans la Drôme. L’édifice est placé sur la liste des cibles à traiter en priorité.

 

16 août 1944 : à l’aube l’état major du 1st Fighter Group reçoit le programme des missions du jour. Ce groupe est basé à Aghione sur la côte orientale corse. Il est composé des 27th, 71st et 94th Fighter Squadrons et emploie exclusivement le Lockheed P-38 Lightning (versions F-LO et J-LO).

Il y a fort à faire en ce lendemain de débarquement et les missions vont s’enchainer toute la journée jusqu’au coucher du soleil. Une mission concerne l’escorte de 27 bombardiers B17 du 301st Bomb Group qui doivent s’occuper du pont « Pique Pierre » sur l’Isère au nord de Grenoble.  

10h07 : 12 P38 du 94th FS décollent, certains sont porteurs de bombes de 500 et 1000 livres pour bombarder en piqué des cibles d’opportunité. Le vol se déroule sans encombre jusqu’au Mont Aiguille (Isère) où une formation nuageuse très dense empêche les chasseurs de trouver les B17 et par conséquent de jouer leur rôle de chiens de berger. Le leader de la formation, le Major Harris, donne l’ordre de mettre cap au sud vers des cibles terrestres. Ainsi, nos 12 appareils prennent la route du col de Lus-La-Croix-Haute.

Arrivés sur les lieux 9 avions larguent à 4000 pieds 18 bombes de 500 livres et 4 autres de 1000 livres sur le viaduc et l’entrée du tunnel : un seul engin tombe sur l’ouvrage et l’endommage.  Les 3 P38 restants, ceux du Maj Harris et des Lt Taylor et Karl s’occupent d’un objectif situé un peu plus au sud : le pont ferroviaire des « Lussettes ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Harris en tête de file emmène ses deux ailiers et largue deux bombes sans toutefois atteindre le pont. Taylor suit son leader et se sert de ses mitrailleusesn’ayant pas été doté d’engins explosifs. Il vole bas, très bas, sûrement beaucoup trop… Après avoir fait usage de ses armes de bord il amorce sa ressource dans ce paysage très encaissé. Sa trajectoire l’amène proche de la crête d’une colline dont il accroche les arbres.  Le bi moteur vacille dans les airs, se cambre puis, déséquilibré, s’abîme et explose dans un pâturage du quartier « Bel Hôte » sur la commune de Lus-La-Croix-Haute. Karl qui suit de très près son camarade ne peut qu’assister impuissant au crash de l’appareil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11h45 : le 2nd lt Robert Dudley Taylor, 21 ans décède. Il était né le 9 juillet 1923 à Winchester dans le Kentucky. Son incorporation datait du 7 janvier 1944, il effectuait ce jour là sa 4e mission.

Le jeune pilote américain n’est pas la seule victime du drame: par le plus funeste des hasards Madame Louise Pavier qui accompagne son troupeau à quelques dizaines de mètres de l’accident est heurtée par des débris de l’appareil. Grièvement blessée à une jambe elle est transportée à l’hôpital de Gap où elle décédera quelques jours plus tard.

D. Taylor est inhumé le 17 août 1944 dans le cimetière local. La population est venue en masse, forte du soutient des autorités du bourg qui bravent ainsi le joug des troupes d’occupation. Des unités de la Résistance sont présentes pour rendre les honneurs militaires au défunt.

 

Portrait du jeune Robert Dudley Taylor en uniforme, et emblème de son unité, le 94th Fighter Sq.

P38 du 2nd Lt Taylor, 1st FG / 94th FS

Les obsèques du pilote américain R. D. Taylor le 17 août 1944 en présence des habitants du village. Son cercueil est entouré par des Maquisards (Collection Jean-Louis Delattre)